Ce livre commence comme un banal roman policier. Trois personnes apparemment sans lien entre elles sont victimes d’accidents et échappent de peu à la mort. A la suite de ces faits, Ivan et Francesca, propriétaires de la librairie "Au Bon Roman" à Paris, contactent la police et, pour mieux faire comprendre à l’officier chargé de les recevoir ce qui leur fait penser que ces accidents n’en sont pas, ils lui racontent leur histoire, celle de leur librairie, leurs liens avec les trois victimes et d'autres personnes qui pourraient faire, elles aussi, l'objet d'attentats similaires.
Ce serait donc une simple histoire policière si ce n’était son cadre et son discours. Au Bon Roman est en réalité la librairie idéale dont rêvent tous les amateurs de littérature, où l’acheteur ne trouverait que des chefs-d’œuvre, des romans, bien écrits, bien construits. L’intérêt du roman est donc double.
Le premier intérêt réside dans son intrigue, bien menée, haletante, captivante : l’histoire de cette librairie, des attentats et des différents protagonistes. Ce roman est en effet très bien écrit, et une fois la lecture commencée, il est difficile de sortir de ce monde pour revenir à la vie normale, du moins avant d’en avoir achevé la lecture.
D’autre part, ce roman a l’immense mérite d’ouvrir le lecteur aux horizons parfois brumeux de la littérature, par un apport non négligeable en termes de références bibliographiques. En effet, il est souvent difficile de faire le tri parmi la profusion des titres qui sortent chaque année dans les catalogues des éditeurs. L’auteur dénonce d’ailleurs superbement ce phénomène d’avalanche, en particulier au moment de la rentrée littéraire, en septembre, et dans une moindre mesure, au mois de janvier de chaque année. Elle énumère au fil du récit un certain nombre de chefs-d’œuvre de la littérature présents au catalogue de cette librairie idéale, en prenant d’emblée le parti de ne pas rester attaché à l’actualité littéraire. Il est donc parfaitement possible de se constituer par ce biais une liste de très bons romans qui, selon l'auteur, pourraient constituer une bibliothèque idéale. Nous avons relevé ces références : au total, sont mentionnés d’une part 80 auteurs différents, de plusieurs époques et nationalités, et d’autre part 87 titres de romans, dont certains écrits par quelques-uns des auteurs cités par ailleurs.
On y trouvera donc les grands classiques de la littérature française : Proust, Colette, Cendrars, Céline, Aragon, Giono, Bernanos, Gracq, Balzac, Zola, Flaubert ou Stendhal, pour ne citer que quelques-uns des plus connus, mais également des auteurs du monde entier, traduits en Français : Benoziglio, Karen Blixen, Dostoïevski, Nabokov, Evelyn Waugh, Anna Maria Ortese, Eudora Welty, Jane Austen, Cormac McCarthy, Kenzaburo Oe, Inoué, Franz Bartelt, Mervyn Peake, Cholodenko, Echenoz, Böll, Di Nota…
Enfin, ce livre décrit également le fonctionnement des librairies : à la fin du récit, le lecteur en sait un peu plus sur ce qui se passe dans ce domaine, ainsi que dans celui de l’édition, même si c’est dans une moindre mesure.
Nul ne sait si ce roman, à l'instar de ceux qui y sont cités, passera à la postérité. Il aura au moins eu le mérite de promouvoir une littérature de qualité, loin des phénomènes de mode ou des ouvrages calibrés pour plaire ou pour être des best-sellers. La thèse défendue ici est à l’opposé de la position marketing de la plupart des maisons d’édition et promeut la qualité plutôt que la quantité, la lecture exigeante plutôt que la lecture facile, prédigérée et calibrée pour plaire au plus grand nombre. En un mot, ce roman vise à élever le niveau au lieu de le niveler par le bas.
Et, ce qui ne gâte rien, il donne envie de lire ces 87 livres et ces 80 auteurs, de découvrir leurs univers, de tenter de comprendre ce qui fait la différence entre eux et la multitude des livres qui sortent chaque année.
Paru aux éditions Gallimard, 2010 (Folio). ISBN : 978-2-07-041998-2
dimanche 1 août 2010
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